LA GIFLE

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Dans les années cinquante, Bénaïssa et moi,
Nous eûmes le fou rire : débordement d'émoi
Qui de l'ordre établi, pour un instant se rit,
Et fait fi, nonobstant le Règlement prescrit
Inhérent à la classe. Cascade d'hilarité.
Le rire est contagieux, suggère complicité.
Indubitablement, nous dérangeons le cours.
Le maître imperturbable, accentue son discours,
Nous observe en silence, de son regard sévère,
L'air réprobateur, et bien qu'on persévère,
Il poursuit sa leçon, patient, imperturbable.
Le fou rire se prolonge, inextinguible, coupable,
La main devant la bouche, comme pour dissimuler
Les spasmes qui l'agitent, et croyant simuler
L'attitude studieuse, malgré le hochement
De têtes dodelinantes, promues au châtiment.

Le maître s'interrompt, et soudain excédé,
Va vers Bénaïssa, de son pas décidé,
Arme son bras, ajuste son tir, posément…
La gifle claque, sèche, cinglante, inopinément,
Brutale et humiliante, pénitence suprême,
Dans le froid de la classe et le froid matin blême.
Ensuite vient mon tour. La main était rôdée.
Dans le silence craintif de la classe bridée,
Tandis que mortifié, je ressens sur ma joue
Cette marque implacable, qui blesse et désavoue,
Cette chaleur cuisante de sa main punitive,
Et que mes yeux s'embuent, réaction émotive,
Des sanglots de la honte, durement refoulés…
Rétrospectivement, mes dix ans écoulés
Ont laissé sur ma joue stigmates douloureux :
Pour un rire… un peu fou, un soufflet vigoureux.

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